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 Source : La Depeche (19/09/2002)    Source : La Depeche (19/09/2002)
[Articles du 19/09/2002] - [ Periode : 09-2002 (73 articles)] - [ Source : L Express (13 articles)]

Article paru le 19/09/2002 - Cet article est la propriété du journal ou société : L Express

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Roselyne Bachelot: «La sécurité avant tout»


Un an après l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, la ministre de l'Ecologie livre les grandes lignes de sa loi sur les risques industriels

Roselyne Bachelot doit changer. Après quatre années d'existence médiatique, du Pacs au porte-parolat du candidat Chirac, elle doit entrer dans l'ère de la maîtrise de ses dossiers. Critiquée, elle a appelé Jean-Pierre Raffarin, le samedi 14 septembre, après un article sévère du Monde. «Je l'ai consolée. Elle trouve que je ne l'aime pas assez», a commenté le Premier ministre en riant. Parce que la bonne franquette ne fait pas de la bonne gouvernance, la loi sur les risques, que termine la ministre de l'Ecologie et du Développement durable, est un moment délicat. Entrée telle une star au ministère de la Culture, Catherine Trautmann échoua sur le style et dans ses projets de loi. Elle sombra. Un an après l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001, Roselyne Bachelot confie à L'Express ses projets en matière de risques industriels. Avec une pugnacité intacte et, donc, une gravité nouvelle.

Un an après l'explosion de l'usine AZF, la France a-t-elle progressé dans la connaissance des risques industriels?

Oui, et de façon spectaculaire. On peut parler d'une véritable prise de conscience. Les stockages d'engrais ont subi une remise à niveau exhaustive: les 430 stockages significatifs ont été inspectés; 25 présentant des risques ont fait l'objet de corrections d'urgence; 11 d'une suspension d'activité. Par ailleurs, les 670 plus importantes installations Seveso ont dû réviser leur «étude de dangers», qui détaille les risques, avec contre-analyse obligatoire par un expert extérieur. Ces documents ont été transmis à l'administration, et leur étude aboutira à des améliorations concrètes dans l'organisation des usines. Un tel nettoyage n'avait pas été effectué depuis le vote de la loi sur les installations classées Seveso, en 1976.

Y a-t-il donc moins de danger?

Il y a plus de vigilance. Notre priorité, c'est la réduction du danger. A la demande de la France, le Conseil des ministres européens a adopté, le 25 juin dernier, un durcissement de la réglementation sur les sites Seveso, concernant les engrais non conformes, ceux-là mêmes qui ont explosé à Toulouse. Nous étions d'abord isolés, mais quand j'ai rappelé les 30 morts de Toulouse, nul ne m'a parlé d'intérêt commercial. Sur le plan national, une loi sur le sujet est en préparation. Toutefois la sécurité, c'est aussi un état d'esprit à modifier.

C'est-à-dire?

Sur le terrain, je me suis aperçue que l'information des populations n'était pas assez forte. Il faut améliorer la culture du risque, faire en sorte que les Français arrêtent de percevoir le danger comme un paramètre extérieur sur lequel ils n'ont aucune prise. Cela vaut autant pour les salariés des entreprises, qui doivent avoir leur mot à dire dans la gestion du risque, que pour les riverains, auxquels il faut des lieux d'expression et d'échange. C'est pourquoi ma circulaire du 12 juillet a demandé aux préfets de constituer des lieux de concertation, sans attendre la loi, près des usines concernées. Il s'agit d'expérimenter, afin de trouver la meilleure formule. D'ores et déjà, 18 commissions fonctionnent et 30 s'amorcent.

Ne craignez-vous pas des psychoses?

Rien n'est pire que le fantasme. C'est l'absence d'information qui crée la psychose. Il faut une vraie information en continu dans ces zones, pas simplement un dépliant distribué périodiquement. J'ai donné trois thèmes prioritaires à mes services: sécurité avant tout, mais aussi transparence et participation. La participation, c'est associer la population à la surveillance, lui faire visiter les sites, l'impliquer dans la discussion des procédures de sécurité, etc.

On vous accuse néanmoins de ne pas vouloir recruter les 150 inspecteurs supplémentaires prévus pour surveiller ces sites…

C'est faux. Ce serait irresponsable. Les 150 recrutements sont en cours: 80 ingénieurs seront en poste à la fin de cette année, 70 techniciens, en formation, seront opérationnels dans le courant de 2003. Les inspecteurs seront alors 1 150.

C'est peu pour 10 000 usines à risque, dont 1 239 classées Seveso! …

Ce renforcement ne s'arrêtera pas là, mais il devra également être accompagné d'un recentrage de l'inspection sur le cœur de ses missions. Je ne suis pas convaincue que certaines parties du contrôle ne puissent pas être confiées au secteur privé. Attention aussi au contresens! l'Etat n'a pas vocation à jouer à la place de l'industriel le rôle de directeur de la sécurité de son établissement. Une telle déresponsabilisation serait désastreuse.

Ne doit-on pas diminuer les seuils légaux pour les produits dangereux stockés?

Nous l'avons demandé au niveau européen pour les engrais, parce que nous estimions qu'il y avait une lacune dans la réglementation. Mais ces seuils restent administratifs. La vraie question, c'est la diminution réelle des quantités stockées dans les entreprises. Nous disposons ici de grandes marges d'amélioration.

Ne faut-il pas réformer le zonage, les périmètres «réservés» autour des usines?

Appliquons ce qui existe, ce sera bien. Mais, au-delà de la maîtrise de l'urbanisation future, il faut améliorer les situations existantes, c'est-à-dire sécuriser les zones où il y a déjà des habitations près d'usines à risque. C'est l'un des grands enjeux du projet de loi.

La loi Cochet n'était-elle pas assez bonne pour vous?

Autant celle sur l'eau était calamiteuse, autant la loi sur les risques rédigée par la gauche contenait de bonnes choses. Cependant sa rédaction a été un peu précipitée, sous le coup de l'émotion d'AZF. Je l'ai reprise, complétée, et j'ai tenu à ajouter un titre spécifique aux risques naturels. Le Premier ministre l'a promis: elle sera examinée avant la fin de l'année 2002 et en vigueur avant l'été 2003.

Quelle est votre «patte» dans ce texte?

Plus d'attention à l'humain, qu'il s'agisse de la lenteur des indemnisations, sur laquelle des dispositions seront prévues, de mieux informer les populations ou de réduire les erreurs humaines à travers la formation des sous-traitants. J'ai été stupéfaite de voir que jusqu'à il y a peu de temps on vérifiait une vanne sans s'intéresser aux compétences de celui qui la manœuvre! Désormais, on inspectera aussi l'organisation humaine de la sécurité. La loi comprendra un volet social sur la participation des salariés à la gestion du risque. Un tiers des accidents sont dus à des erreurs humaines, car les chaînes de responsabilité ne sont pas totalement maîtrisées, et les personnels, pas assez formés.

Quant aux risques à long terme, des incinérateurs de déchets polluants fument toujours...…

Sur 35 en fonctionnement à mon arrivée, il m'en reste 20 à fermer d'ici à la fin de l'année. Ce sera fait. Les collectivités locales ont pris du retard parce que la mise aux normes coûte cher. Résultat: elles risquent des actions judiciaires, car la question des conséquences sanitaires est sérieuse. Au-delà, malgré le tri, la quantité de déchets dans les décharges ou à l'incinération progresse. C'est cela qu'il faut infléchir.

Défendez-vous toujours le nucléaire?

C'est 75% de notre énergie, et, avec l'effet de serre, la solution n'est pas du côté des centrales thermiques! Mais je crois aussi à l'essor des énergies renouvelables: elles représentent 15% de notre facture, et j'escompte atteindre 21%. Le Premier ministre va lancer au deuxième trimestre 2003 un débat national sur l'énergie. J'en attends beaucoup, en particulier qu'il nous permette de sortir de disputes dogmatiques et stériles.

Les inondations ont rappelé qu'il y a également des risques naturels: que prévoyez-vous?

2 millions de Français sont exposés au risque d'inondation - principal risque naturel. J'ai deux ambitions à travers le titre II de la loi: créer une véritable culture du risque, en démultipliant l'information; donner les moyens aux pouvoirs publics de faire de la prévention dans les zones exposées au danger, mais aussi en amont, où l'on a encore les moyens de le réduire. Et je prépare un plan de lutte contre les inondations, qui accompagnera les initiatives des collectivités locales.

La décentralisation accroîtra-t-elle le rôle des élus locaux face aux risques industriels?

Surveiller un site Seveso, c'est le devoir de l'Etat. Mais les collectivités locales ont un rôle essentiel, qu'elles doivent assurer pleinement: maîtriser l'urbanisation.

Votre loi ne sera-t-elle pas un handicap économique, une contrainte coûteuse? Ce sera le contraire. En réduisant les risques, en informant mieux, je suis certaine qu'on aidera l'activité économique et les populations à cohabiter. Je refuse deux choses: que mes concitoyens soient en danger et que mon pays se désindustrialise.

Christophe Barbier


 Source : La Depeche (19/09/2002)    Source : La Depeche (19/09/2002)

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